Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/102

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respirant pour tout le monde ; c’étaient de ces femmes que l’on désire par deux, et qui ne sont pas plus complètes, à une seule, qu’un beau cheval. Puis, gloussant, arrivèrent les Allemandes : la première passait devant, la deuxième allait derrière. Elles déchiffraient tout haut les devises, et affectaient de se parler français.

Mais je n’ai de regards que pour les deux Américaines qui s’acheminent, sans hâte, à la queue du défilé. D’abord l’immense Miss Zesbra, avec sa robe à je ne sais combien d’étages, avec sa tête si haut perchée qu’il lui faut, pour nous apercevoir, des lunettes. Sans arrêt, sans raison, elle rit ; mais de là-haut son rire n’étonne pas, pas plus que le vent dans les faîtes toujours remuants des grands arbres. Je la plains, si, pour devenir riche, aux États-Unis, il n’y a qu’à se baisser et ramasser les pépites.

Mais Mistress Arline n’est que grande et n’est que belle. Elle n’a qu’un grain de beauté, de même que l’or pur n’a qu’un poinçon. Sa bouche est si petite que son sourire n’occupe pas tout son visage, et n’empêche pas ses yeux d’être tristes. Ils vous regardent, ils ne vous regardent plus, mais il vous semble qu’ils ne bougent pas et que