Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/116

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Ils s’assirent sur l’accotement. Jean sentait au fond de son cœur un désir de caresse et de larmes se blottir et ronronner, confiant comme un chat qu’on n’a jamais battu. Il serait resté là jusqu’au soir, la main dans ses mains, mais il fallait sauter et rire, pour le distraire et se l’attacher à jamais. Il arrêta par son sarrau le petit Louis Prion, et sachant que le bébé pleurait quand on l’appelait par d’autres prénoms que le sien, ils le torturèrent de concert.

— Alors, si ce n’est pas Ernest, c’est Théophile ?

L’enfant levait son bâton.

— Non, tu ne vas pas me battre, Célestin !

Le faux Célestin frappait. Alors le petit duc se mêla au jeu, et il trouva une foule de saints grotesques. Puis il eut l’idée de mettre tous les noms au féminin. Le petit Prion s’enfuit en hurlant, avançant la lèvre inférieure qui recevait ses larmes.

— On s’amuse trop avec toi, Théodule, disait le petit duc, travestissant par plaisanterie le nom de Jean.

Il ajouta :

— Mercredi, c’est la foire. Viens me prendre à huit heures. Je t’attendrai.