Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/137

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vieille femme proposait ses cheveux gris, insistant, comme si elle ne répondait pas qu’avant la fin de la foire ils n’auraient pas blanchis. Jean entraîna doucement son ami.

En face, le vendeur de simples élevait comme des ostensoirs des bocaux de serpents. Il congédia les rhumatisants qu’il disait guéris et qui, pendant qu’ils y étaient, allaient se faire arracher les dents, pour déclarer une guerre inexorable au ver solitaire, citant ses garants dans la localité, faisant circuler un ver de quinze mètres offert par Mlle  Lucelle, de la rue des Tiroirs, et un second de vingt-trois mètres, en deux morceaux, légué par M. Chasles, chevalier de la Légion d’honneur. Quelques chiens badaudaient, sans se douter qu’ils étaient en jeu, étonnés de recevoir des coups s’ils léchaient par politesse une main pendante. Jean reconnut le marchand de jusquiame : c’était Cambronne. Il n’eût pas mieux demandé que de faire la paix, mais l’autre l’apostrophait déjà, de son estrade.

— Dis donc, graine d’espion, veux-tu filer ?

La foule se tournait vers eux. Le petit duc, les mains dans sa ceinture, regardait ailleurs, embarrassé. Jean pâlissait. Pourquoi tout se