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II

LA NOSTALGIE


On ne vous attendait point. On s’attendait peut-être à un orage, car les parfums rasaient la terre, et les chênes soigneux, par peur d’une averse, rassemblaient leur ombre autour d’eux. On s’attendait peut-être encore à s’endormir. Un berger jouait du pipeau ; à ses pieds, le ruisseau coulait ; dans le ciel, un oiseau volait. C’était un de ces paysages que l’ombre bistre, que la poussière poudre, qui sont rustiques avec apprêt, et qui vous renvoient votre tristesse ainsi qu’ils retournent l’écho, adoucie, ironique, un peu niaise. Dans le ciel, un oiseau dormait. C’est alors que vos mains se sont posées sur mes yeux ; derrière moi, ô Nostalgie ! je vous entendais rire, et quand, me dégageant, je vous ai vue, je ne savais comment vous saluer. Vous vous en êtes réjouie.