Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/159

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l’étang, s’amusent à ruminer leur eau, et des petits garçons m’ont dit le bonjour si doucement qu’il me servira pour des semaines. En Amérique, d’ailleurs, être nu n’est pas le calme. À la campagne, cela est impossible, à cause de la fumée, des ornières, des domestiques. Alors j’ai songé à l’être chez moi, et le jour du thé, toutes mes amies, et moi leur amie avons mis nos corps à notre aise. Il nous paraissait que voir une femme nue dût arrêter mille pensées lointaines comme une tour fait des nuages, mais il n’en fut rien pour nous. Parce que Miss Gracia White fit tomber sur elle une goutte de thé, nous eûmes du bonheur, mais quand on se fut vêtu, celles qui sont les plus intelligentes étaient les plus tristes… Comme vous marchez parfaitement, madame ; on dirait que vous ne vous êtes jamais habillée.

Le soir tombait, elle prit congé, roula cinq mètres, et me criait :

— Aimez-la, monsieur. Il faut aimer. Nous croyons là-bas que l’amour est la chose la plus extraordinaire du monde.