Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/160

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La forêt aspire les impuretés et les reflets de l’air, d’un tel souffle que les oiseaux doivent suivre. À l’horizon grince un chariot, à moins que ce ne soit la lune qui roule sur les étoiles et broie une autre voie lactée. Nostalgie, aucune des jeunes filles que j’ai connues n’est morte. Toutes s’occupent à la vie comme à un métier et sont les fuseaux actifs du jour à la nuit. Maintenant qu’il est sept heures, elles regagnent la maison. Les unes, attardées aux visites, achètent en hâte le dessert ; les autres copient le menu du souper et dessinent au recto un âne debout et des fleurs. Seule peut-être, sur la terrasse, Victoria s’attarde, s’accoude à la balustrade et se laisse maltraiter par le soir sans résistance ; se dit qu’il fait froid, sans mettre son châle, se dit que j’ai faim, sans déplier le goûter, et ferme les yeux, elle ne sait pour quelle pénitence, alors que toutes les couleurs du monde poudroient.

Ô Nostalgie, adieu ! ma lampe s’est allumée d’elle-même, là-bas, et mon chien m’attend, allongé en sphinx devant la porte qu’il ne comprend plus. Adieu. Voici la borne de la com-