Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/196

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ment, il saluait déjà, à chaque fenêtre nouvelle, une de ces autres que Mme Leglard valait bien. Il ne songeait pas, l’imprudent, aux haines qu’il se préparait pour demain, alors que, dégrisé, il ne saluerait plus.

— Je traverserai le café sans prendre de consommation.

Il le traversa, feignant de chercher le contrôleur, qu’il savait en tournée. Il le chercha près du comptoir, comme si de sa vie le contrôleur se fût assis près du comptoir, puis, dans l’angle du billard, d’où il aperçut, le cœur tremblant, la pharmacie. Elle semblait donner de plain-pied dans le café, et, avec ses bocaux colorés comme des bouteilles de pippermint ou de grenadine, n’en être qu’une dépendance. Le sort en était jeté : il traversa la rue, et poussant la porte entr’ouverte, il entra.

La boutique était pleine. Le pharmacien vint s’excuser en phrases que le hasard rythmait :

— Ah ! monsieur, que je regrette, voyez : tout le bourg est là. Patientez dans notre chambre. L’élève vous conduira.

L’élève l’y conduisit, mais tous deux l’y oublièrent.