Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/198

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Il mit son lorgnon, le monde se composa, s’étagea, avec ses bouleaux précis et grêles, avec ses deux routes rigides, qui couraient entre le bourg et le bourg voisin, parallèles, comme des courroies de machines à battre. Il reconnut que les taches du soleil étaient des champs de colza ; il put compter les petites cabanes des jardins, les unes ouvertes à tous vents, et que traversait, ce soir-là, le zéphir, les autres surmontées de cheminées immenses, ridicules, sur ce toit mesquin, avec leur bicorne de fer-blanc, comme un gendarme qui conduit une voiture à âne. Et les murmures se détachaient de la terre et se précisaient : les poteaux télégraphiques, enduits de cire, bruissaient comme des nids d’abeilles ; un ruisseau jouait au long de son écluse comme au long d’un harmonica ; des chiens hurlaient longuement, à propos d’un panonceau qu’ils confondaient avec la lune, puis, fouaillés, disaient leur peine. Des enfants les imitaient sans pitié. On entendait très loin, Dieu sait où, jurer le nom de Dieu. C’est par un soir semblable que les premiers hommes, au cœur du printemps, durent prévoir l’hiver.

L’agent voyer songe à un grand feu de bois, au fond d’une salle à manger ; le marbre de