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provinciales.


Il ne vint pas, et j’avais déjà deviné qu’il ne viendrait jamais. Un mystère l’éloignait pour toujours de notre maison et de ma vie. Mais chaque matin, je le réclamais, pour faire un peu mentir mes parents et jouir de leur embarras ; car c’étaient chaque fois des excuses nouvelles et mensongères : le père Voie s’était fait une entorse ; le père Voie mariait sa fille à un gendarme ; il craignait de prendre mon mal, qui était contagieux ; il était agent du Phénix, et assurait contre la grêle le département voisin, car les orages allaient venir.

Les orages vinrent, en effet, battant à grand fracas les portes des étables. Ils brisèrent même, chez nous, une cheminée, qu’aucun père Voie n’avait assurée, et qui fuma encore, une fois tombée. Urbaine essayait en vain de me distraire ; elle connaissait tous mes jeux, mais les jouait en paysanne, avec une opiniâtreté qui me fatiguait. Elle s’entêtait, et pour rien au monde, elle n’eût levé son doigt quand je disais : éléphant vole, ou Urbaine vole.

Pourquoi le père Voie n’est-il pas là, fluet, discret et souriant ? J’aime les vieux. Ils vont courbés vers la terre, parce que le ciel éblouit leurs