Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/30

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au long des barres d’or, empesés et blanchis comme des linges de communion. On les appelle mystères, car ils nous cachent la campagne, les chariots et les passants impénétrables, et les ombres seules les traversent. Urbaine vient parfois les tirer, regarde les plaines à travers un reflet d’Urbaine, rentre, lente, dans les coulisses, et je vois le décor jusqu’à l’horizon. C’est l’horizon vert et bleu d’où viennent les routes ; notre bourg n’en est qu’à neuf kilomètres et le vent de La Châtre y traîne les ramiers et les nuages. Ils se posent sur une vieille tour, qui le flanque et le domine, et qui surveille un deuxième horizon plus proche des villes.

Or, la nuit ressemble au jour, toute lumière étant filtrée par des rideaux ou par des globes, et je ne sais plus quand je dois dormir, et nulle force ne passe, à heure fixe, sonnant le couvre-feu. La nuit s’étale au flanc du jour, de plain-pied, et l’un n’est plus le corridor de l’autre. Le sommeil flâne dans les deux salles, s’assied sur le premier fauteuil venu, se lève et s’accoude à des fenêtres. Les gestes d’Urbaine sont lents et décomposés. Je pense au bruit qui les accompagne et les anime ; je pense au temps, mon compagnon, qui