Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/51

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me faire lourd. Un enfant, de la rue, sifflote le même air ; un soleil mauvais teint s’étiole sur les chaises cannées et l’écho de l’angélus, si assourdi qu’on dirait la cloche de la paroisse la plus lointaine, où demain déjà se lève, oublie qu’il est écho et se pose, comme un vrai son. Puis, les corbeaux qui volent sur le ciel oublient de remuer les ailes et c’est la bande d’azur qui semble tourner. Puis, midi passé en averse, les ombres dégoulinent des arbustes, en rigoles, bientôt en flaques, et la terre les boit, le soir montant. Puis, claquant la porte, le vent s’engouffre, éteignant et bousculant le soleil, le soufflant sur la chaux des murs, enflant la chambre qui s’arrondit, balançant les fleurs dans les vases. Estelle se demande si le courant d’air vient de la porte ou de la fenêtre, et, comme je reste grave, elle me sourit. Puis, pour elle, elle soupire.

— Jamais, jamais, fait-elle, je n’irai, dans leur couvent.

Pourquoi lui répondre ? Elle devrait seulement se hâter et prendre le voile dès ce soir, en présence des quinze cents pèlerins qui arrivent pour la fêter, car il y aura demain seize ans que la Vierge lui apparut. Voici l’histoire :