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II


Vers cinq heures, comme les pèlerins approchaient, j’allais au-devant d’eux, avec les femmes du village.

C’était jeudi. C’était un jour amorphe et neutre, glissé entre les deux parties de la semaine comme un État tampon entre deux nations jalouses. On y peut rire et médire sans châtiment. C’était aussi le jour où Dieu créa les animaux, et tous, fiers de leur anniversaire, s’amusaient à confondre, ainsi qu’au Paradis, leurs habitudes. Un cheval se roula, pour gagner son avoine ; les poules clignaient, facétieuses, et chantaient le coq ; de ses pattes de derrière, ruant, une chatte grattait le sable ; même en frottant le dos des canards, vous auriez obtenu des étincelles électriques. Seuls, les chiens s’asseyaient modestement auprès de vous et léchaient votre main, n’admettant pas d’autre créateur. Pourtant,