Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et les écrevisses de l’abbé Salomon se laissent-elles manger, oui ou non ?

Pas de réponse. Les femmes oublient bien vite ! Estelle oubliait-elle aussi avec quel talent le vicaire imitait la mère Henriot, la malade imaginaire, qui criait, le médecin la touchât-il au cou, aux reins ou à la poitrine : — C’est là, docteur, c’est là, ça ne peut être que là !

— Monsieur l’abbé, fit la Parisienne. Ne vous frappez donc pas ainsi. Il y a des malheurs plus grands.

Mon compagnon serra les poings.

— Des malheurs plus grands ? riposta-t-il, je vous en défie. Des malheurs plus grands que la lâcheté d’une voyante, présentez-m’en donc, puisque vous vous y connaissez !

J’en trouvais à moi seul une dizaine, à regarder seulement le visage de Nini. Celui d’avoir les yeux brûlés par une broche rougie à blanc, celui d’avoir les cloisons du nez trouées à l’emporte-pièce, celui d’avoir les lèvres découpées par un rasoir qui suivrait juste leur dessin, celui de recevoir sur la bouche un coup de sabre qui vous l’ouvre jusqu’aux oreilles. Nini en connaissait cependant un plus terrible, car l’idée seule l’en