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IV


Le meunier n’est pas le seul qui s’éveille quand le moulin se tait. Les jours où la terre s’arrête et flotte au hasard des nuages, à la dérive, où chaque tic tac de pendule tombe sur l’heure sans l’user, comme une goutte d’eau sur l’airain, nous nous accoudons aux fenêtres, désorientés. Des chevaux qui n’allaient jamais qu’au pas, sachant que la terre marchait pour eux, galopent ; les vieillards se hasardent jusqu’à la mairie sans béquille, et lèvent les bras en l’air pour faire croire qu’ils ont le pied marin ; les jeunes filles se désenlacent et s’en vont par une, et elles s’interrogent, inquiètes, comme les passagères d’un bateau dont l’hélice est rompue. Le maréchal ferrant les rassure du regard, tandis que ses compagnons gesticulent, courent au soufflet et