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Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/24

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RETOUR D’ALSACE

l’unique rôle serait d’empêcher qu’on déniche les nids, qu’on vole une poule, qu’on pêche les écrevisses avec des mailles trop petites. À la sortie du village, une grande route droite et vide, silencieuse. Personne qui revienne du côté de la bataille. Nous aimerions tant en voir arriver cependant un cycliste, n’importe qui, un vaguemestre, le payeur lui-même, qui, par un mot de son langage, nous relie au combat : — Passez-leur une distribution ! Appuyez sur les pédales ! Un civil même, une femme, qui nous donnent l’impression de protéger autre chose que les gendarmes et le cantinier qui se rase. Voici seulement un convoi de chevaux en sang, précédé par deux bœufs encore au joug, que des éclats de mitraille ont atteints. Les bœufs tirent. Bien peu de nous s’attendaient à ce que les animaux aussi fussent blessés. Voici des arbres mutilés, un coin de route éclaté, un rocher en miettes. Nous avons l’impression de pénétrer dans la mêlée par en bas, par les végétaux, par les animaux, alors que nous comptions y descendre par ses sommets, par un général, par un maréchal blessés, étendus au coin du village.

— Halte !

On ordonne face à gauche, face au côté que nous croyons inoffensif. Et nous sommes, assure l’état-major, sous le feu de l’artillerie. On nous fait