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RETOUR D’ALSACE

peut supporter un cœur de lièvre, la guerre le fait éclater. Pas d’oiseaux non plus, à part les poules ; les poules, puisque c’est leur nom, se sont cachées les premiers jours, sont ressorties et ont repris maintenant, un œil sur chaque oreille, la chasse au roi des lombrics ; la guerre durera longtemps… Toute la question est de savoir si l’admissibilité comptera après la paix !

Nous revenons par le corps de garde où ma compagnie, qui est de jour, a pendu toutes les enseignes suspectes de la ville : À la pomme impériale, À l’empereur à barbe rouge. Elle collectionne aussi toutes les plaques officielles des rues, et à chaque instant un généreux donateur arrive, apportant des panonceaux ou des affiches. On se croirait à Carnavalet un jour de générosité. Bientôt tout le déguisement prussien du village est rassemblé dans cette salle ; indications ou prescriptions si dédaigneuses pour le passant qu’elles font naître immédiatement l’ordre ou la vérité contraire dans un cœur français : Ordonné de passer sur la voie quand le train arrive — Obligatoire de battre les animaux — Enschingen pas à 7 kilomètres, Enschingen à 1.000 kilomètres !… L’innocent est toujours là, mais il ne sait que l’allemand. Bardin s’occupe de lui offrir le café et, pour trouver des relations communes, essaye de lui