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RETOUR D’ALSACE

sous-officiers de l’active qu’un vers fameux. Tous éclatent. Roger crie : Percé jusques au fond du cœur ! Chalton : Prends un siège, Cinna. Le dîner s’achève dans la joie.


Ammerzwiller, 23 août.

Lever vers cinq heures. Nous nous rassemblons au bureau assez lentement, car chacun de nous, le soir, disparaît dans l’ombre, et va dormir secrètement dans un coin ou vers un meuble qu’il a hypocritement noté de jour. Clam a passé la nuit dans un fauteuil. Laurent sous une voiture, appuyé contre des sacs de riz, moi sur le canapé où j’avais les genoux et le cou pliés. Nous avons la mauvaise humeur de gens qui n’ont pas dormi étendus. Par bonheur, une visite au premier nous apprend que le lit du colonel est maintenant libre. De temps à autre, l’un de nous sort au galop, et revient au bout de vingt minutes, les yeux gonflés, s’étirant, disant : — Ah ! que j’ai bien dormi !

Le bruit court que c’est dimanche. Ce n’est pas le curé qui le confirmera. Il a refusé de dire une grand’messe et a célébré l’office dans sa chambre, tout seul. Sa bonne, à laquelle les événements ont valu pour la première fois la clef de la cave,