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RETOUR D’ALSACE

du Nouvelliste d’Alsace-Lorraine. Que notre guerre est calme, à en juger par les titres, comparée à cette paix d’il y a six mois : Les écrasés de Guebwiller, Mariage interrompu à Saverne, Scission de la Fanfare de Munster… Que d’agitation inutile ! Mais la guerre aussi a ses coups de théâtre : je suis mis à la porte par la brigade elle-même, qui s’installe dans la cure et nous déloge. Nous délogeons à notre tour le bureau du bataillon, où tous les soldats qui touchent dans le civil un traitement de l’État arrivaient se faire inscrire, rangés par ministères, ou à peu près, car un cantonnier s’est faufilé dans les beaux-arts, puis dans les colonies. On a pitié de lui, et il passe le premier, mais il s’obstine à appeler la guerre des manœuvres. — Avant les manœuvres…, explique-t-il. — Après les manœuvres…, réclame-t-il. On n’y comprend goutte et on le met à la porte.

Laurent décide, malgré nos réclamations, que la poule ne sera que pour le soir. Mais des émissaires m’ont averti que Jalicot avait une poule du matin. Je le rejoins dans la chambre basse et malpropre où la femme d’un grenadier impérial fait sa cuisine. Il y a un troisième convive que Jalicot me présente par ses qualités civiles : il est inventeur de serrurerie, dans une maison excellente, qui a déjà quatre inventeurs. C’est lui qui a