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RETOUR D’ALSACE

l’adresse de la main gauche, sont pavoisées à nos couleurs. Mon soldat le plus lent d’esprit, le bon Bergeot, sent lui-même sa curiosité s’éveiller, demande à son voisin où nous sommes, et l’autre lui crie, pour que les Thannois l’entendent :

— C’est Thann !

Et il crie encore en montrant Bergeot aux Thannois.

— C’est lui ! C’est Bergeot !

Voici des maisons bourgeoises : toute la famille est à la grille, la mère, le père en costume du dimanche, avec des bijoux en or jaune, les enfants se découvrant au passage des officiers. Voici Saint-Thiébaut, que nous contournons pour entrer dans le cœur de la ville. La tour à trois étages penche : toujours la tendance au mirage. Mes soldats, qui sont étonnés de voir l’église plus petite de près que de loin, se demandent si ce n’est pas aussi une particularité de Thann. Du porche nous sort une vieille en noir, qui devait être entrée pour la messe de six heures, et qui lève les bras d’émotion à notre vue. Comme elle tire sa tabatière, Tantôt lui demande une prise ; c’est du tabac à la menthe ! nous y puisons tous et éternuons avec vigueur tant que la vieille peut entendre. Voici l’ancien hôpital, devenu mairie. Un gros concierge, un secrétaire rose, nous acclament avec la joie