Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/106

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comme ce petit homme inconnu qui fit donner Strasbourg aux Français. Puis il appuya le dos contre le parapet, regarda non moins longuement le ciel, comme cet autre petit homme qui donna notre planète au soleil, et posant enfin ses regards à sa hauteur, il aperçut une grande fille blonde, vers laquelle il courut et qu’il prit par le bras… Je les suivis.

… Je les suivis, car les drames qui se jouent dans une ville se jouent toujours, comptât-elle huit cent mille habitants, entre un nombre restreint de personnages. La personne blonde était l’infirmière de Kleist.

*


Je les suivis par un itinéraire connu, indiqué par trois étoiles dans le Baedeker Amoureux de Mme von Buchen-Stettenbach comme le plus important de Munich, celui où Lola Montez avait embrassé le roi devant la reine, prise soudain d’attendrissement à la vue du shako royal cabossé par le chambellan, où le ténor Pfohl s’était, par désespoir, coupé la langue, se condamnant à ne plus chanter que les vocalises, et où moi-même, mais ce n’était pas sur le Guide, m’étant trompé de vingt-quatre heures pour un rendez-vous, je m’étais obstiné et j’avais attendu un jour entier sans vouloir me plier au sort et sans rentrer chez moi. Une Américaine m’a dit que c’était la plus longue attente amoureuse en plein air du monde. Nous étions en juillet, la nuit du moins fut brève ; les sentinelles de la Résidence se relayaient et me reconnaissaient après chaque garde, jusqu’à cinq