Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/121

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— Monsieur Chapdelaine, dit-il, ne m’en veuillez pas si j’élimine du débat votre continent. Les États-Unis n’ont jamais compris la guerre et n’y ont pas pris part. Ils ont, tout au plus, pris part à une autre mêlée qui se livrait en même temps et sur les mêmes champs de bataille. Les États-Unis n’imaginent pas d’autre guerre que la guerre civile. C’est toujours eux-mêmes et celui de leurs défauts que personnifie la nation ennemie qu’ils combattent dans chaque guerre. Ils appellent la guerre une crise morale. Quand ils étaient Anglais, ils se battirent avec les Anglais ; dès qu’ils ont été Américains, ils se sont battus entre Américains ; le jour où ils ont été suffisamment germanisés dans leurs mœurs et leur culture, ils se sont rués contre les Germains. Le premier Américain qui fit un prisonnier en 1917 s’appelait Meyer, et son prisonnier aussi. En Allemagne, nous n’avons jamais pris au sérieux cette brouille de famille. Mais la guerre a été réelle entre l’Allemagne et la France. Il est vain de discuter le problème des responsables. L’Allemagne est responsable, pour la raison que l’Allemagne est le mouvement et la France le repos. Aucun peuple ne jouit plus de ce qu’il possède et ne se limite plus à cette possession que le peuple français, n’est plus heureux de bonheurs souvent fictifs et fragmentaires comme la propriété de la Martinique, de Pondichéry, débris d’empires coloniaux, ou du savant Adler et de celui qui prévit le téléphone, débris de l’empire des ondes aériennes et sonores : — ce qui est signe de paix. Aucun peuple n’attache plus ses désirs à ce qu’il n’a pas que le peuple allemand, — signe de guerre. Il désire Besançon, Grenoble, il ré-