Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/151

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due. En l’absence des feuillages caducs, le printemps luisait sur les lauriers, les cèdres et toutes les écorces. Le Dr Meyer, par malheur, nous avait adjoint M. Grane, le commissaire chargé jadis de recueillir les plaintes du Cameroun contre le mandat français. C’était un Américain de Salt Lake City qui avait pris la France en grippe parce qu’elle n’utilisait pas suffisamment le lierre pour agrémenter ses vieilles églises et ses manoirs. De plus, détenant une part dans l’entreprise montée par les fabricants prohibitionnistes de sirop de raisin, il ne pardonnait pas aux grands propriétaires de la Bourgogne et du Bordelais d’avoir décliné ses offres philanthropiques et refusé d’élaborer, dans un but à la fois divin et financier, en place de leur liquide nocif et pour les grands restaurants, un sirop Pontet-Canet et un sirop Hospice de Beaune. Dès la sortie de la ville, le Dr Meyer Stoppa et nous montra du doigt les deux tours en gobelet du Dom.

— Ici, vous admirez la constance du travail allemand, récita le Dr Meyer. Jamais les Français n’ont pu finir les flèches de leurs cathédrales. Voyez Notre-Dame ! Voyez Beauvais ! La seule cathédrale inachevée en Allemagne est Strasbourg, parce qu’elle est restée deux siècles entre leurs mains.

Nous avions pris la route féodale, devinant l’Allemagne aux animaux : les districts royaux aux daims et aux paons, la petite noblesse aux faisans et aux sangliers, et enfin, aux, pies apprivoisées et aux bassets, les colonies de peintres, qu’annonçaient d’ailleurs aussi, dix kilomètres à l’avance, les taches qu’ils faisaient aux bornes, aux rochers et aux barrières en rouvrant leurs tubes à peinture. Sur les torrents d’eau