Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/199

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Dans le ciel de Jéhovah passa un autre avion, cette fois du gouvernement Zelten. Il jetait des proclamations vers lesquelles la maisonnée tendait les bras comme vers la manne et qui disparurent — celles de la dernière révolution valaient déjà trois dollars, — comme des pièces de collection. Ida les avait lues. Il y était question de la stupidité avec laquelle l’Allemagne, après avoir imité toutes les autres nations, s’était forgé l’idée d’une Allemagne gigantesque à l’intérieur de laquelle elle menait la vie hypocrite d’un crabe dans un coquillage, et du trésor des forces électriques bavaroises. La révolution avait pour but de déloger le crabe et de répartit également les hectowatts sur chaque tête de Bavarois.

Dans la chambre de ma voisine, la voix de Lieviné Lieven faisait assaut avec une voix d’enfant.

— Ce qu’il faut, criait Lieven, c’est que la calomnie cesse, c’est que l’honneur d’Eisner soit lavé ! Que lui reprochent-ils, Lerchenfeld et Brentano ? D’avoir dépensé 5.000 marks dans son voyage en Suisse ? J’ai fait et refait le calcul, avec les tables de change ; j’ai compté comme pour moi-même ; pas de bain ; les places en seconde, avec l’aller et retour jusqu’à Landau, et la carte-tarif suisse. Je compte les trois dîners offerts à Albert Thomas et à Ambroise Got à 7 francs suisses chacun ; je compte 10 francs les deux ressemelages ; et j’arrive à 5.230 marks. C’est 230 marks que le gouvernement bavarois doit à ses pauvres héritiers…

— Tais-toi, tais-toi, dit la voix d’enfant. Que fait Zelten ?

— Que veux-tu qu’il fasse ! Il attend Kleist, il attend Thomas Mann, il attend sa lettre de Gorki,