Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/231

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times qui allaient et venaient autour de son lit, non insoumis, non polygames, à métiers clairs et définis, la flattaient dans son mal. Le curé d’Oberammergau vint la voir, puis le pasteur, puis le rabbin. Elle déplorait d’avoir à choisir une religion au moment où trois s’offraient si aimablement comme on déplore une triple invitation pour le même soir, et décidait d’être enterrée selon le rite qui permettait l’assistance et la présence des deux autres. Au fond, elle eût voulu être en règle aussi avec la religion musulmane, la religion hindoue : Elle me demandait sur Bouddah les renseignements qu’elle eût demandés sur un employé d’état civil, s’il était impitoyable, s’il était beau. Elle était tourmentée seulement de la tristesse et de l’incertitude de Forestier. De sorte qu’un soir je fus amené à lui dire qui il était. Elle en fut tout heureuse. Non point qu’elle eût éprouvé moins de sympathie pour lui s’il était né dans une ville étrangère, mais être Hongrois, ou Bulgare, ou Lithuanien ne lui semblait pas une situation en aussi parfaite conformité avec la vie régulière et avec le code qu’être Français.

— Tâchez qu’il s’inscrive à Belleville, me dit-elle. Tout lui sera aisé. Le jour de mon mariage, le maire de Belleville n’a lu tout haut ni mon acte de naissance, ni mon âge.

Il fut convenu que Kleist, dès qu’elle pourrait rentrer en France, nous accompagnerait. Elle le lui fit promettre. Depuis la révélation de Zelten, je n’avais plus reçu aucune lettre de la Consul, aucune visite de Schmeck, et Eva s’était résignée.

— Mon cher Kleist, disait Geneviève, ce n’est vraiment pas de chance de voir mourir ainsi sans rai-