Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/42

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des textes ne m’a pas permis d’expliquer. Je t’avoue que, dans le désir de trouver en France un district où le bon sens eût plus de trois dimensions, je suis allé autrefois rendre visite au grand maître, son successeur direct, qui habitait l’hôtel Le Boy des Guays lui-même, à Saint-Amand-Mont-Rond en Berry. J’y arrivai plein d’espoir, car les renseignements pris sur la ville et sur Me Rollet me laissaient penser que je trouverais dans Saint-Amand autre chose que ce mélange de nain jaune, de soucis testamentaires et de valse de Faust qu’on appelle une atmosphère bien française. C’est sur le Mont-Rond qu’étaient brûlées les sorcières ; c’est au centre de la ville, en l’endroit nommé Eldorado, que confluent la rivière la plus froide de France, la Marmande, et la plus chaude, le Cher ; le confluent, si tu veux, du diable et de Vénus. Du jour où j’eus décidé de m’y rendre, il ne passa point de semaine où je ne constatai, d’après les journaux, que Saint-Amand n’avait pas été choisi à la légère par Le Boy des Guays. En un mois, j’eus le crime du marquis de Naive, le cimetière hanté, et l’affaire toujours énigmatique des canards décapités. Ville sans grands hommes et sans statue, excellente précaution, car les esprits détestent une concurrence trop précise. (Cet avantage a d’ailleurs disparu, car c’est aux environs de Saint-Amand que Carpentier vient maintenant se mettre au vert.) Ville qui marque juste le centre de la France, ou plutôt qui le marque à nouveau depuis que tu m’as repris l’Alsace, où les fêtes druidiques se sont muées sans transition en romaines, puis en françaises, et les menhirs en sarcophages, puis en bornes milliaires. Sur chaque borne