Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/83

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avec l’arc-en-ciel. En déshabillant nos blessés prussiens nous trouvions ainsi, au-dessous de leur uniforme invisible, un écorché de couleurs. Lui, pour qui jadis les deux questions irritantes, à des moindres degrés, était celle de la rive gauche du Rhin et celle des bretelles, il consolida son matelassage d’épingles de nourrice, de chaînettes-supports, relia ses boutons de plastron par un fil de faux argent qu’il agrafa à une chaîne centrale. Puis, aidé de serviteurs dont la race différait plus encore de la race des nôtres qu’un Celte d’un Germain, par une brosse à tête en nickel élastique, par un soutien-moustache, par une brosse à habits dont se recourbait la poignée et qui laissait croire dans chaque mouvement à un hara-kiri, lui, qui n’admettait jamais qu’il plût, consulta un thermomètre intérieur, un thermomètre extérieur, le baromètre, et tapota un instrument horizontal qui pouvait être un sismographe. Ainsi s’assurent les Allemands du temps qu’il fait. Tout lui indiquant la neige, il la regarda enfin, ouvrit la fenêtre, et, apercevant la trace du loup et de l’élan, l’effaça pour qu’ils pussent échapper aux chasseurs.

Ida vint déjeuner avec moi et m’apporta les nouvelles. On continuait à craindre un complot, et Ida avait l’idée que Zelten en était l’âme. Les inquiétudes n’étaient pas encore si vives, car Zelten remettait toujours les grandes entreprises au 2 juin, jour anniversaire de sa naissance, et le 2 juin prochain risquait d’être chargé, car, d’après ses confidences successives, Zelten avait ce jour-là à commencer son livre sur l’Orient-Occident, à engendrer enfin un fils, et à se faire plomber cinq dents. Peut-être sa famille délé-