Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/90

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cette Allemagne qui prétendait redonner la pureté ? Car Forestier connaissait de la passion tout ce que peut en penser Mlle Trapet, de l’Odéon, des bousculades tout ce qu’en sait Mlle Béril, du Français, et du dégoût tout ce que peut en apprendre Sola Astrum, le démon exactement contraire à ceux que conseillait la circulaire, tout noir, tout onduleux, tout criard, et de l’indifférence tout ce qu’en inspire Yvonne de Greille, qui eut sa dernière lettre, son dernier mot écrit en français la veille du jour où il fut porté tué :

— « Adieu, chère Yvonne, je n’ai pas de monnaie ce soir : acceptez tout ce grand amour que je sens aujourd’hui en moi… »

Forestier ne bougeait pas. Il ressemblait à un somnambule que nous avions éveillé un jour par de grands cris ; c’était aussi l’hiver, et l’homme ne s’était fait aucun mal sur la neige épaisse.

*


Au bas de la Maximilianstrasse, juste avant les bâtiments romantiques en stuc d’où les monstres et les reines essaient vainement de se dégager, et juste après l’Hôtel des Quatre-Saisons, dont le marbre se plaît par contre à libérer de fort jolies personnes, actrices viennoises ou américaines, et aussi quelques gargouilles, telles que les petites Rosenbreit et la comtesse Cohn, habitait Bertha-Augusta, douairière de Schleissheim. C’est Bertha, dans sa jeunesse, que Sacher-Masoch avait pris pour le modèle de sa dame d’honneur dans son roman sur l’Allemagne, et elle en avait