Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/94

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doit laisser une semaine, selon la coutume, chez chaque membre du jury, et, l’après-midi, l’urne qui contient, dit-on, le cœur de Gœthe et qu’on confiera aussi quelques jours à chaque orateur désigné. Mais chaque Allemand ne vit-il pas à la fois dans cette double atmosphère ?

Je demandai son âge.

— Il a trente-sept ans.

C’était, en effet, son âge exact. À quoi l’Allemagne avait-elle bien pu le deviner ?

*


Il en était de la maison de Forestier comme de son vêtement. Pas une trace ne subsistait de la sûreté avec laquelle il avait jadis retiré de cent boutiques d’antiquaires et de trois ateliers modernes tous les meubles et tous les objets qui, depuis le XVIe siècle, et en passant par Iribe, n’avaient été faits que pour lui. Gravés sur tout ce qui était bois, brodés sur tout ce qui était étoffe, je retrouvais dans son bureau tous ces proverbes et résidus de la sagesse allemande dont le visiteur est abreuvé : « Qui parle le matin, se tait le soir… Qui aime son prochain aura des fleurs au printemps… Assieds-toi sur moi, je suis un loyal fauteuil de Dessau… L’heure du matin a de l’or dans la bouche… » J’aperçus du moins, pendu au mur, un objet commun à ce bureau et à son bureau de Paris, un objet neutre, la femme à turban de Vermeer. Rien n’était perdu, puisque ce petit Hollandais avait réussi dans sa petite tâche, en s’armant, il est vrai, d’un cadre étain et cuivre plus large que lui-même, et en