Page:Giraudoux - Simon le pathétique.djvu/162

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la ligne sinueuse sur laquelle dorment, songent les hommes ; il suffisait de garder sa distance ’ pour marcher sur un astre insensible et inhabité. Pour que la nuit fût aussi pure, pour qu’on n’entendit aucun troupeau meuglant, aucun chariot grinçant, c’est que dans le monde entier, — au moins en France, — chaque enfant se taisait, chaque soldat en permission, sur la route, enveloppait de feutre ses souliers, chaque berger tenait serrée la gueule de son chien. ’Une pensée muette et caressante s’était détachée de nos fronts, planait au-dessus des pelouses, des sillons, [dans chacun desquels s’allongeait pour la nuit un rayon presque éteint, — et revint sous la forme d’un oiseau, éternellement errante désormais, mais ayant du moins un cri, un faible et doux cri pour se plaindre. Hélène se retourna lentement ; sa main, ’celle que je n’avais pas saisie tout à l’heure, coupée au poignet par la lune. Je la pris, je la pressai ; j’aurais pressé ainsi une main antique, une main sans bras, pour me rattacher à ce qui est pureté, paix, jeunesse, et néant. Je la. pris par remords d’avoir pressé voilà une minute la main vivante. Je la pris pour me rattacher à tout ce qui n’existe que la nuit, à tout ce qui n’existe pas ; Crépuscule