Page:Giraudoux - Simon le pathétique.djvu/229

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colie ; le jour qui mourait sur lui mourait en lui. Puis vint un enfant qui ne riait pas, un Anglais rêveur. Mon amour appartint à tous quand j’arrivai chez Anne.

Pourquoi cette ombre, ce thé tout prêt, cette chaleur ? Je ne venais point reprendre nos habitudes. Je m’attendais à avoir faim, à avoir froid. Je m’attendais aussi à ne pas attendre ; je pensais qu’Anne me recevrait sans ce quart d’heure pendant lequel — une fois annoncé l’homme effleuré par la pluie ou la neige, — toute tiède on se parait, blanche et rose on s’ornait. Vingt minutes passèrent. Pourquoi cette ombre surtout, jetée comme une housse, sur tant d’anciens amis, sur les meubles, les fleurs, les livres ?… J’ouvris tout grand le lustre.

Poudrée, cernée, trop amicale, Anne avança surprise dans cette lumière crue. Elle heurta une chaise, elle semblait ne pas voir.

— Quel bonheur de vous rencontrer enfin, Simon !

Un vrai bonheur ! Une chance ! Ma bonne mine surtout la comblait de joie. Elle répéta, les yeux fermés : Quelle bonne mine !

— Mais pourquoi, mon ami, m’avoir laissée si longtemps sans nouvelles ?