Page:Giraudoux - Simon le pathétique.djvu/26

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porte. Unis dans les périodes de révolte où nous nous enivrions du souvenir de toutes les émeutes historiques, celles de Prague, celles du lycée de Nantes, — crises où nos camarades se reposaient sur moi du soin de les venger, et c’était fait le soir même. Époque héroïque où nous étions persécutés par le censeur, qui interdit finalement les billets échangés entre élèves des grandes et des petites cours. Le lendemain de son arrêt, il eut l’imprudence de venir assister à notre classe d’histoire. C’était un ancien cuirassier qui avait chargé à Reischoffen. Interrogé sur le bassin du Danube, j’affectai de parler des pays annexés. Il m’interrompit brusquement : — Vous ne bavarderiez pas à tort et à travers de l’Alsace, fit-il, si vous saviez ce que c’est.

Je me tournai vers lui.

— Ce que c’est ? C’est une province que nos pères ont perdue.

Il était à cheval sur sa chaise ; il l’agita. Il releva d’un geste son haut de forme qu’il avait posé, ainsi qu’on pose son casque, contre un pied de la chaise : il allait charger. La classe trépignait. Le professeur tenta de détourner l’orage vers une contrée lointaine…