Page:Giraudoux - Simon le pathétique.djvu/27

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— Parlez-moi du Soudan, de son avenir…

Mais d’une voix déplorable je déniai tout avenir à nos colonies… Ce qui manquait à la France, ce n’était pas le caoutchouc, les arachides, c’était le houblon, les filatures, c’était les cigognes. Le censeur se dressa, tout pâle. Il étendait déjà vers moi sa main desséchée, cette main qui eût interdit à Pylade de répondre à Oreste, à Schiller d’écrire à Gœthe ; — mais le tambour de la récréation roulait devant notre porte et ma génération en profita pour sortir avec les honneurs de la guerre, mais au grand galop.

Unis dans les trimestres où le travail devenait, sans qu’on sût pourquoi, une griserie. Toute notre troisième, par exemple. Le professeur titulaire était mort pendant les vacances, comme meurent tant de professeurs, et dans sa chaire la classe trouva un nouveau maître plus jeune, fils de professeur lui-même, imberbe et chétif, né au cours d’une année scolaire sans doute. Il venait en disgrâce d’un lycée où ses élèves l’obligeaient à ne marcher qu’entre deux lignes tracées à la craie entre son fauteuil et son tableau, et pendant les éclipses de soleil brûlaient sa chaise pour noircir des verres. Incer-