Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/100

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s’il n’y avait pas là pour la soutenir un cou de reptile avec des poils, issu d’un corps hérissé de pointes en sparadrap avec des pieds palmés. Mais cette île était aussi à jour, pour les espèces à la mode, qu’un jardin d’acclimatation, et, pour ses plumages, qu’une maison de modes. Partout des paradisiers, des aigrettes, et les plumes de marabout ou d’autruche piquées sur de petits corbeaux. Partout, semblant pendre aux cocotiers par un fil, comme les poignées d’un cordon à tirer un rideau, la tête en bas, des perroquets ignorants encore de la langue humaine et qui ne répétaient que les cris du premier perroquet, ou bien grimpant à dix par le bec, et s’arrêtant échelonnés sur le tronc en ampoules de résine bleue, jaune ou rouge. Des kakatoès qui allaient tous les soirs coucher dans la seconde île, délirants à la rencontre des gourahs qui venaient de là-bas coucher dans la mienne. De ci, de-là, des oiseaux dont j’avais vu la photographie dans le Journal des Voyages, celui qu’on appelait l’Oiseau-Muet, et qui se posait toujours juste sur la branche au-dessus de l’oiseau qui chantait, ouvrant le bec sans émettre un son ; celui qu’on appelait le Plus-laid-du-Monde, que je reconnus aussitôt, le plus laid, car il paraissait avoir toutes les petites maladies humaines, si humiliantes pour les ténors et les