Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/109

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par paresse la moitié des hasards d’un sauvetage…

Ce n’est pas vrai que j’embrassais l’ornithorynque ; que je fouillais dans sa petite poche, que je n’y retrouvai rien, pas de lettre oubliée. Il se plaignait doucement par des cris de canard. Que je grattais le renflement près de son crâne. Il remuait la queue comme un chien. Que je le gavais de petits œufs. Il battait des pattes de devant comme un castor.

Tous les jours maintenant je contournais l’île à la nage jusqu’au point d’où j’avais à la traverser dans toute sa largeur pour revenir au promontoire. Avant d’avoir franchi la zone de sable et de corail, j’étais déjà sèche. Puis venaient les cocotiers et cinq minutes d’ombre. Je faisais un détour pour aller appuyer ma main, les cinq doigts grands ouverts, dans cinq petits rameaux écartés de la même branche, qui formaient à s’y méprendre une main, avec phalanges et phalangettes, car tout ce qui ressemblait dans l’île à un être de ma race, j’en avais maintenant l’inventaire… Puis venait la plaine, coupée des trois ruisseaux, avec les secteurs alternés de gazons et de catleyas, semés