Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/128

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en vain d’apercevoir les chanteurs. Enfin je compris… Ces cris partaient de mes oiseaux. Ces myriades de chanteurs étaient logés chacun dans un de mes compagnons muets. Ce sifflement à volutes sortait de ces pigeons qui d’habitude gloussaient. Ces cris de merle, de la demoiselle à aigrette qui parlait jusqu’ici par des ricanements. Les paradisiers à cordes vocales en zinc s’étaient attendris soudain et modulaient. Ou j’assistais à un miracle, ou je voyais se délier une corde dans le gosier et le cœur des oiseaux, y compris les ptemérops, qui donnaient un bruit d’accordéon. Ou bien (mais quel miracle plus grand encore !) c’était le printemps…

J’étais un genou en terre, à l’affût de ma saison. C’était bien la lumière si pure qu’un moucheron y paraissait une bulle dans une vitre, mais les oiseaux s’occupaient bien des moucherons ! C’était bien le soleil à la fois d’un demi-degré plus frais et plus tiède, et le moucheron, laissant tomber l’île comme un lest, plein d’aventure, s’envolait directement vers le soleil ! Sentant l’herbe pousser, les branches craquer de sève, les oiseaux évitaient de se poser et voltigeaient chacun au-dessus de ce qui allait être un bourgeon nouveau. Les outardes alanguies couvaient des oignons de renoncules comme des œufs. La jeunesse se posait sur