Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/130

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d’une fête, mais leur petite flamme était la seule chose obscure. Les feuilles des palmiers s’ouvraient toutes en craquant comme les mains du squelette qui ressuscite. Les poissons, devinant cette couche de jeunesse abattue sur la mer, la déchiraient de leur nageoire dorsale toute hors de l’eau. Dans la coupe des vagues, on apercevait des bancs de harengs affleurer l’air même de tous leurs flancs argentés, et soudain, preuve suprême, — de quel oiseau partait ce cri, de quelle grue de Numidie, de quel colibri, de quel martin-pêcheur ou de quel adjudant — j’entendis le coucou !

Trois jours dura le printemps. Trois jours où les plantes et les oiseaux s’exaspérèrent. Tous les feuillages des cocotiers, des palétuviers, toutes les tiges s’étaient relevées, et je n’en reconnaissais plus les ombres. Au-dessous de ces branches retroussées, les oiseaux apparaissaient plus nus et plus vifs comme des dessous irritants. Les lianes resserraient une étreinte défaite par l’année écoulée d’un centimètre. Pour la première fois, les oiseaux-mouches volaient par couples, le mari signalant les parfums défendus. Sous les fourrés, de grosses taches d’un soleil tango, c’étaient les roues des coqs qui se battaient. Parfois, arrêtée par un de ces fils blancs qui barrent en mai nos vergers, je ne bougeais plus, je m’entêtais à res-