Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/152

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latines qu’hélas je découvris grâce à ce sou, et sans les avoir connues ; enfant que je n’avais pas eu et dont je retrouvais pourtant les vêtements et les jouets. Solitude portugaise, avec des pampres au nord si épais sur les routes que les enfants y font des trous pour voir les aéroplanes, et Cintra, où les vautours, conscients eux de l’altitude, tournoient à dix mètres au-dessus des hommes, qui se croient toujours au niveau de la mer ; avec le bruit des fontaines parfois assourdi, quand une femme étend devant le jet son pied nu. Solitude espagnole, avec un grand sol en pierre sur lequel de petites taches de velours et de soie se promènent, qui sont les hommes et les femmes, un grand silence de Dieu avec de petits points tendres et amers, qui sont les guitares et mandolines ! Comme on juge un poison sur un être plus faible, de l’absinthe sur un lézard, de l’opium sur une chatte, je versai une seconde cette solitude de l’équateur dans deux grands yeux italiens tendus au-dessous de moi comme pour recevoir un collyre… Et je vis mon Italienne blêmir, mourir ! Une Florentine seule sur un récif, même proche de l’Italie ; une Napolitaine seule en Sicile, une Corse, seule, toute seule dans l’île d’Elbe, quelle pitié, alors que de chacune des Touamotou, des Nouvelles Hébrides et des Baha-