Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/271

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dans cette débauche lunaire comme un rat d’hôtel dans l’obscurité vêtu de noir, quoiqu’une jeune fille bien élevée ait ordre de ne pas le faire, je fouillai ses poches. De quelle joie je partageais avec lui chaque chose, chaque arbre, chaque oiseau de ce monde hier encore si terriblement indivisible ! Mais comme il dormait ! Déjà cependant ces perroquets qui n’étaient plus grâce à lui que mes demi-perroquets, ces passereaux mes demi-passereaux commençaient à tournoyer. Mes mille demi-étoiles bougeaient doucement, mon demi-Pacifique ne comblait plus juste l’horizon, c’était l’heure où le monde a du jeu, c’était le matin ; la scie sur les récifs crissait comme à la fin d’une bûche. Étendue enfin, mais aussi mal à l’aise sur le sol de cette île où je n’avais jamais dormi que sur un lit nouveau, j’attendais avec impatience : j’avais oublié de leur demander la saison. J’attendais leur réveil pour savoir si c’était le printemps ou l’été. Et enfin (je n’attendis pas sa part !), mon demi-soleil parut !

Alors je me précipitai sur Jack, je le secouai en riant, je réussis avec son corps le contraire de ce que j’avais fait avec les dix-sept corps de l’an passé ; je le tirai par les bras et les cheveux jusqu’à la lagune ; je le précipitai dans l’eau fraîche couverte de rosée où seuls les poissons de nuit