Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aller le voir : je n’étais pas sûre de ne pas l’aimer ! Il vint enfin, se courbant devant moi, m’offrant le drapeau boursouflé sur ses deux mains comme un lange avec un enfant. Il avait ce langage assuré, ces yeux à iris carré, ce dandinement des épaules qui vous rendent, avec leur cravate jaune et bleu clair, les chauffeurs-mécaniciens plus chers que l’amour.

Billy, qui était seulement chasseur d’antilopes et de couguars, et qui détestait l’astronomie, avait songé à me ramener au yacht, ancré à Rimsky-Korsakov, dans le désir, je crois, de me montrer dès le lendemain sa collection de peaux et de cornes, mais je décidai de ne partir qu’avec eux tous et d’attendre l’éclipse. Ils m’approuvèrent, car ils craignaient qu’elle ne fût accompagnée d’un typhon, et j’eus tout le temps de leur présenter mon île. Elle était prête.. Au fond, le souci de cette réception avait guidé tous mes actes durant ces cinq années ; j’avais fait de l’île un parc, un salon, astiquant les grèves de nacre, polissant les récifs, colorant de rouge vif par des injections dans les racines des bosquets entiers, que je bordais ensuite d’orchidées nègres, essuyant