Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/285

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à le croire sorcier, il enflamma un peu, très peu de son alcool (il le ménageait pour confire ses nouveaux serpents) et il avala les flammes. Il avait de petits complets d’alpaga blanc exécutés, disait-il, par M. Tomasini, le seul tailleur au monde que n’inquiète pas le problème des bretelles. Et je l’aimai ! et je fus déçue de l’aimer, comme je l(êtais autrefois de n’éprouver que de l’indifférence.

C’est le 1er juillet 1918 que j’arrivai à Honolulu, où la fille de l’évêque, apprenant que je n’avais pas de robe, m’envoya la plus belle des siennes pour la réception et, hasard ou habitude hawaïenne, vint m’attendre au palais dans la robe jumelle. C’était la première femme vêtue que je voyais, je me précipitai dans ses bras, nous ne fûmes une minute que la même forme en soie verte. Du yacht, Billy avec sa longue-vue pouvait croire qu’on ne redonne pas impunément une femme à son sexe et que je m’étais fondue en lui dès la première rencontre. Il fallut partir au bout d’une heure : jamais le chœur des Hawaïens n’avait eu à chanter à aussi peu d’intervalle l’hymne de la jeune fille qui arrive et l’hymne de la jeune fille qui part.

À New-York, M. Cazenave donna un dîner en mon honneur chez Sherry. Il y avait là enfin un