Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/47

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demandait quel chemin elle avait bien pu suivre autour du monde pour éviter à la fois la Sibérie et les Indes, le Brésil et les États-Unis, — se retrouvant cependant un peu aux isthmes, Suez, Singapour et Panama, et sachant le nom du président de compagnie qui l’avait reçue à l’entrée de chaque canal, — et un grand personnage maigre sur un ami tout rond, qui était Toulet sur Curnonsky.

L’explorateur se rua sur les huîtres. Rien de plus douloureux, déclarait-il, que la faim des huîtres au centre du Thibet ! On voyait qu’il inventerait une anecdote pour chaque service. Mais Toulet l’avait, dès son premier mot, pris en haine, l’arrêta au potage, juste avant la description du potage nuptial des Kirghizes (toujours servi bouillant mais au dehors de la tente et qui s’achève vu la température en sorbet), et lui prodigua les avanies. Il lui prouva, malgré ses dires, demandant un dictionnaire au maître d’hôtel, que le Canada était plus grand que les États-Unis ; puis, réclamant de la femme de chambre des hémisphères que le fameux voyage de l’explorateur par la Sibérie, l’Alaska et l’Hudson n’atteignait pas en kilomètres le quart du voyage par l’Équateur. Comme l’autre se défendait, Toulet sut lui rappeler aigrement qu’il avait dédié son