Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/67

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la cathédrale, il n’y avait plus que de petites barques de pêcheurs sans casier judiciaire, des charbonniers anglais respectueux des évêques. Le capitaine passait et repassait, distribuant aux passagers de marque des phrases à peu près incompréhensibles, car il avait la manie d’oublier, en parlant, ces adverbes ou prépositions que nous oublions parfois en écrivant : « à propos de », « avec », « depuis »…

— Ils se sont brouillés un chapeau, — disait-il. — J’étais venu un chien… Je l’avais attendu une statue…

À San Ioão, il fit escale, sous le prétexte de prendre de la glace, en fait pour amener et retenir à bord le major Almira Peraira d’Heica, le fameux joueur de poker. Cela nous permit à tous quatre de pousser en automobile jusqu’à Porto avec le Norvégien roux et un général anglais qui répondait toujours : « très pratique ». Je me rappelle des tours de porcelaine, un palmarium où une jeune Française caressait un jeune palmier, le Douro vert, vert (très pratique !), les toits chinois rouges, rouges, et de deux ponts suspendus des reflets partant vers le fleuve, quand un bœuf tournait la tête, à cause de son diadème de cuivre. On était à la veille de la récolte, le plus jeune porto avait près d’un an, c’était la semaine