Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/76

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voir. Il dut voir la chemisette, jadis célèbre un jour dans toute la rue Pape-Carpentier, perdue ; il dut me voir, assise sur mon lit comme à la campagne, quand le mourant d’à côté va plus mal. De l’Océan montait un sifflement, comme celui du gaz resté ouvert.

— L’équateur ! — dit Mademoiselle.

Oui, ce furent les clefs tombant tout à coup des serrures. Le coupe-papier tombant du Pascal que je lisais. L’aiguille du réveille-matin sautant, chaque objet se libérant de ce qui lui donnait un usage humain ; de chaque phrase de Pascal tombait sur moi, qui avait compris, son aiguille ou sa clef. Ce fut Pascal, Marc Aurèle, et tous les autres dieux de terre ferme sans force et inutiles.

— Un fantôme ! — dit Mademoiselle.

Oui, ce fut un marin entrant dans notre cabine, ordonnant de nous habiller, nous recommandant surtout de prendre nos souliers, comme si nous avions à faire un long trajet terrestre…

— Une révolte, — dit Mademoiselle.

Elle s’habillait devant ce Breton placide comme on se vêt devant un corsaire, attachant sa chaîne d’or à la dérobée, étouffant le bruit de ses boutons à pression. Puis l’ampoule éclata. Le marin sortit pour chercher des allumettes. Chacune apercevait de l’autre quelque fantôme secoué d’où