Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/85

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ardent, ce qui correspondait dans cet archipel à la rosée… Puis la même angoisse… Puis un coup à ma tête, un oiseau à gros bec s’enfuit après m’avoir blessée, le sang coulait de mon front… Ce qui correspondait ici à l’appel de Mademoiselle. C’est ainsi que l’île éveillait… En effet une faible lune passa sans hâte sur tout le ciel un enduit blanchâtre, et subitement le soleil, derrière-moi, d’un rayon, d’un nuage chiffon fit tout étinceler… Je me retournai, et vis mon île…

Elle sortait de la brume. Mille arcs-en-ciel levés ou posés de biais joignaient les criques à des mornes. Des bosquets d’arbres à palmes, coupés de frondaisons carmin, scintillaient dans la vapeur d’eau, plus immobiles que le zinc… J’entendais soudain, comme celui de jets d’eau qu’on ouvre au jour, le bruit de cascades… Chaque arbre livrait l’oiseau rouge ou doré qu’il avait gardé toute la nuit en otage pour l’aurore ; et, à dix mètres de moi, je voyais déjà réuni, — pour que tout malentendu à ce propos fût dissipé dès la première minute entre la Providence et moi, — presque à portée de la main comme un déjeuner auprès d’un dormeur, — tout ce qui pourrait jamais apaiser ma faim et ma soif. Des bananiers offrant autour d’eux mille bananes, comme leur mille anses, dont on rompait la plus belle douce-