Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/99

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troisième de fleurs et de gazons, au centre deux collines dans des forêts vierges, les zones vertes étincelant le jour, celle dès coquillages la nuit, à midi juste deux petits lacs s’allumant au faite des mornes, tous les oiseaux du Pacifique venaient atterrir. Des milliers d’oiseaux inconnus flottèrent donc autour de moi comme une langue nouvelle, Toute l’île au moindre vent était ébouriffée. Chaque fois que je levais trop vite les bras, je semblais secouer un tapis rouge ou bleu, et, au réveil, en les écartant pour bâiller, le découdre. Le vent d’Ouest poussait vers la mer des balles de duvet qui flottaient comme de faux cygnes sur la lagune, jusqu’au point où le courant les prenait et les emportait compacts, en oreillers, vers le Khouro Shivo… J’essayai de m’orienter dans cette volière. La présence de quelque oiseau reconnu par Jules Verne ou par la classe de leçons de choses m’eût appris ma place dans le monde. Je savais que le casoar annonce une terre toute proche de l’Australie, car il est venu de Tasmanie à pied, mais je cherchai en vain mon casoar… que l’outarde annonce l’Afrique du Sud, mais pas d’outarde… que l’Équateur peut encore receler des oiseaux préhistoriques, et quand j’apercevais, m’épiant de derrière un arbre, quelque tête dénudée avec un bec en vieille corne, j’avais peur, me demandant