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menu peuple, qu’il allait si bien connaître et si bien dépeindre plus tard. Enfermé d’abord au séminaire d’Yvetot, puis au lycée de Rouen, il y souffre de l’isolement et de la contrainte de l’internat. Il s’échappe, dès qu’il le peut, pour venir vivre à côté de sa mère.

Il grandit sous cette tutelle intelligente d’une femme de haut esprit et de noble cœur. Puis, il s’instruit sous la discipline littéraire d’un grand maître, d’un des prosateurs les plus parfaits de notre littérature — de Gustave Flaubert.

C’est sous cette forte discipline que s’élabore, de vingt à trente ans, son génie d’écrivain, par une lente préparation, par la production de milliers de vers et de juvéniles essais, que le maître passait au crible de sa critique pénétrante et impitoyable.

Guy a, vers l’âge de vingt et un ans, quitté sa province pour venir à Paris. Il est entré, comme petit employé, dans un ministère. C’est sa période de jeunesse insouciante, de « radieuse pauvreté », pendant laquelle il fait du canotage sur la Seine avec de joyeux compagnons, partageant son temps entre le labeur intellectuel, jamais abandonné, et le plaisir forcené — sans choix du flacon qui donne l’« ivresse ».


Cependant sa vocation littéraire s’affermit. À trente ans, son talent est mûr. En 1880, il éclate avec la publication de son livre Des Vers et de la fameuse nouvelle en prose Boule de Suif, qui fit tout le succès des Soirées de Médan, recueil de nouvelles, ou plutôt manifeste d’art des naturalistes, qui avaient Zola à leur tête.

Dès lors, le jeune écrivain, inconnu la veille, attire l’attention du public, la retient et ne la lasse plus. Dix ans de fécondité littéraire sans arrêt lui feront produire trente volumes, dans lesquels il n’y a rien d’insignifiant ni de médiocre.

Le goût des voyages lui est venu, avec une inquiétude, un