Page:Gistucci - Le Pessimisme de Maupassant, 1909.djvu/21

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effet, outre leur caractère évident de nécessité, ces peintures n’ont jamais rien de conventionnel, ni de livresque. Taine, bon descriptif pourtant, mais avant tout philosophe, humaniste et penseur, ne peut s’empêcher, en voyant la Méditerranée si bleue, dont les flots « tressaillent » sous la « pluie de flammes » du soleil, d’évoquer Apollon et ses flèches, et les Néréides, et la Galatée de Raphaël, avec sa suite de monstres mythologiques.[1]

Maupassant n’a pas de ces souvenirs, ou il les rejette. Chez lui, l’amour de la nature est un élan direct de l’âme, une vibration toute spontanée. Quand il sent son yacht courir, au matin, sur la mer « frémissante et violette », il goûte l’ivresse de sa propre vie dans la vie renaissante du monde, il éprouve la joie d’être et de refléter les formes lumineuses de l’univers.

Cet appétit de sensations, Maupassant le garda toute sa vie. Il le prolongea, le nourrit, en en renouvelant l’objet par les voyages.

D’autres ont, en se déplaçant, un but archéologique, artistique, scientifique. Ils veulent étudier les mœurs, voir du pays, se donner des impressions nobles ou rares, selon leur tempérament de savants, de curieux ou d’artistes raffinés. Bourget, par exemple, s’enchante du paysage italien, mais visite surtout dévotement les obscurs monastères, les humbles musées de petites villes perdues, où se cachent les trésors d’art, les ineffables chefs-d’œuvre…

Rien de tel chez Maupassant. Ce qu’il cherche, en pays étranger, c’est, avant tout, des sensations de nature. Il s’attarde aux rues de Naples, grouillantes de populace, va voir l’Etna tout près du cratère ; et sa suprême « béatitude » il l’éprouve,

  1. Taine. — Carnets de voyage. Morceau repris et légèrement modifié dans le Voyage en Italie, 1866.