Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/100

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Faire pleurer pour moi les douloureux claviers !
Où donc est-il ce temps de candeur et d’aurore ?…
     Enfin, après trois ans, je vous revois encore,
Madame, et je comprends les souffrances qui font
Plonger dans l’infini votre regard profond.
Ô ma sœur en amour ! nos deux âmes blessées
L’une à l’autre pourront confier leurs pensées ;
De notre long manteau de douleur recouverts,
Aimons-nous, aimons-nous, pour tous les maux soufferts !
     Aujourdhui je comprends, ô femme jeune et douce,
Ce qui vous fait sourire et ce qui vous courrouce,
Je sais pourquoi je viens auprès de vous, pourquoi
Je vous vois frissonner souvent auprès de moi ;
Pourquoi vous retirez votre main de la mienne,
Et pourquoi, comme au jour de l’ignorance ancienne,
Je ne puis regarder, sans en être ébloui,
Votre beau front pareil au lis épanoui.
     Ô ma terre promise ! aujourdhui ce que j’aime
En vous, ce ne sont plus des ombres, mais vous-même.
Le passé dans mon cœur est tout enseveli ;
Jai courbé sous l’amour mon front déjà pâli ;
Je connais le néant de la première flamme ;
Je sais ce que je fais ; — je vous aime, Madame !
     Aimons-nous, aimons-nous, et ne songeons a rien ;
Aimons-nous maintenant, et les dieux pourront bien,
Au gré de leur caprice et de leur fantaisie,
À nos cœurs altérés arracher l’ambroisie,
Nous séparer encor : qu’importe ? N’eussions-nous
Respiré qu’un instant les parfums purs et doux