Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/104

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Insensés ! croyez-moi, jamais vos plaintes vaines
Ne hâteront le cours du sang pur dans mes veines ;
Je ne pleurerai pas : je ne veux pas souffrir ;
Je veux toujours rester belle, mais insensible ;
Et regarder toujours de mon air impassible
          Ce que le destin vient m’offrir.

Puisqu’ils ne savent pas les terribles ivresses
Que peuvent enfanter mes inertes caresses,
Puisqu’ils ne savent pas ce que les Océans
Ont d’orage dans leurs sérénités divines,
Qu’il leur faut les sanglots babillards des ravines
          Au lieu des flots aux bonds géants,

Qu’ils aillent loin de moi, ces lâches ! oh ! qu’ils aillent
Se faire déchirer par celles qui les raillent ;
Que toujours, que toujours leur front soit souffleté
Par les femmes sans nom qui vivent d’impostures,
Qui portent mon cœur vide, et, fausses créatures,
          N’en ont pas la sonorité !

Alors, pour remplacer et mes formes hautaines,
Et ma démarche grave, apprise dans Athènes,
Ils créeront la beauté nouvelle ; ils aimeront
Des filles qui, du moins, auront cela pour elles,
Qu’elles sauront cacher leurs membres laids et grêles
          Sous les robes qui les suivront