Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/222

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— Un enfant qui passait sourit d’un air malin —
Nous nous sommes assis, tous deux l’âme contente.
Sa lèvre, ce doux fruit dont la saveur me tente,
S entrouvrait fraîche et rose et laissait voir ses dents.
S’il m’eût fallu compter les jasmins abondants,
Les lis émerveillés qui forment son visage
Si calme et si charmant que tout le paysage
Lui-même en paraissait plus calme et plus charmant,
Rien n’eût pu mettre un terme à mon ravissement !
     Je vous baisais, grands yeux de ma jeune maîtresse,
Et je baisais aussi l’or fauve de sa tresse
Qui, sous le réseau fin et souple d’un filet,
Enflammait les blancheurs d’un col semblable au lait.
Car, sachez-le de moi, cette maîtresse est blonde,
Et son front, sous le flot de cheveux qui l’inonde,
Brille comme un glacier au lever du soleil.
     Or, pendant que mon cœur, ivre de son réveil,
Saluait cette enfant qui le faisait renaître,
Mon amour d’autrefois est venu m’apparaître,
Et les anciens baisers, et les serments anciens,
Et mes rêves chéris qui se mêlaient aux siens,
Et les choses d’un jour qu’on disait éternelles,
Ont paru tout à coup, muettes sentinelles,
Contemplant cet amour auquel nul ne songeait.
Et qu’un peu de soleil faisait sortir dun jet
Dans mon noir abandon et dans ma solitude !
Ah ! je ne dirai pas l’affreuse inquiétude
Qui me saisit alors ! Seulement, j’ai pleuré
Près de la jeune femme au regard assuré,